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Je reconnais une personne trente ans après notre dernière rencontre. Je reconnais de dos à cinq cent mètre mon amour. Je suis le souverain des identités qui m’entourent. La mort seule défera les traits du visage de mon père, que je reconnaitrai pourtant encore et encore sur ces photos racornies. Mon individualité, ma liberté, dépend de ma capacité à reconnaitre à protéger l’individualité, l’altérité de celui qui me fait face : face que je j’apprend à détailler au fil des conversations (Levinas).
l’IA extorque, vole à l’homme ce droit inaliénable pour l’offrir au service de la machine de contrôle, de surveillance, de répression. La souveraineté de l’individu est ici écrasée. Le lien organique, poétique, unique, que je tisse avec l’autre, basé sur la difficile et nécessaire confiance que je créé lentement avec lui, tout ceci est détruit, tout ceci est exposé comme un morceau de viande, dans l’algorithme, tout ceci ne m’appartient plus, appartient à l’entité totalitaire.
Nous ne sommes pas idiot au point de na pas le voir au premier coup d’oeil, de na pas mesurer le danger, mais nous avons appris que lutter contre la machine était voué à l’échec. Alors du bout des lèvres, l’un après l’autre nous acquiesçons, sous des prétextes utilitaristes aussi divers que variés, car il y a pire que de perdre son âme, c’est d’être du mauvais côté du manche. Et le fait est que la machine n’attend pas longtemps, car il faut tous qu’on se précipite pour ne pas se laisser distancer.
L’exemple. Un salarié utilise l’outil d’IA à sa disposition pour résumer et commenter un ensemble de documents relatifs à un sujet d’étude. Il est non seulement en droit de le faire mais convié à se servir de l’outil informatique. Le salarié présente ensuite le fruit de « son » travail en réunion. Le salarié est chaleureusement remercié et applaudit. Il ne dit pas que son travail est le fruit de l’IA. C’est une expérience positive qui lui a fait gagner un temps précieux. Qui lui a permis de voir rapidement des points qu’il aurait peut être négligé. Qui lui a permis surtout de ne pas perdre un temps précieux à choisir ces mots pour la rédaction. Et de plus ce travail lui est imputé et sera bon pour sa notation, la perception hiérarchique de ses qualités professionnelles.
Ce faisant ce salarié tire un trait sur 50 ans d’apprentissage (s’il a 50 ans…).
Si un bachelier en cours d’examen fait la même chose, il se fera sortir de la salle immédiatement, car on exige de lui qu’il mobilise ses ressources propres, ce qu’il a appris en propre. Si vous n’êtes pas entièrement convaincus, essayer d’imaginer qu’un devoir de math ou la résolution des équations du second degré, la résolution d’un problème d’intégration, soit confié à l’IA. Evidemment nous aurions tous vingt sur vingt. et nous n’aurions rien appris du tout, déjà que nous savons si peu.
On ne se rend plus compte, mais apprendre un langue, en profondeur, s’en servir à l’écrit, cela a été des années pas toujours drôle à user les bancs de l’école. Et ce que nous avons appris in fine, et que nous continuons à travailler par l’exercice de la langue, c’est à être nous même, à construire notre indépendance de jugement. « Les mots naissent quand on apprend à penser librement et qu’on découvre la liberté d’opinion » (G.A. Goldschmidt)
Le travail de la machine ne peut pas être autre chose que le résultat de la pensée « mainstream ». Le salarié a abandonné l’essentiel : sa liberté de choix, de jugement, dont il est si fier pourtant. Liberté construite patiemment sur la relation unique d’un cerveau avec une culture.
Cela va évidemment plus loin, dans un avenir proche voici ce que lui dira son patron : » tu n’est qu’un presse bouton, je n’ai plus besoin de ton expertise, ton travail ne vaut pas le prix que tu en demande, la machine en vaut dix comme toi, etc. Cela ne sera pas facile pour négocier un salaire.
Mais il se pourrait tout aussi bien et même mieux que le salarié dise à son patron: « les outils à ma disposition montrent sans conteste dans quelle boite merveilleuse je travaille. La machine me renvoie sans cesse l’image de notre activité comme étant le top, et je suis fier d’oeuvrer pour notre projet si important et utile pour le futur de l’humanité ». Heureux dans l’apologie des courants puissants qui l’emporte, qu’aurait il à faire de sont petit jugement personnel obsolète.
« Staline l’avait compris, il est possible de travailler l’image de marque non seulement des produits mais aussi des individus. Un milliardaire corrompu peut ainsi être vendu comme le champion des pauvres; un idiot en plein cafouillage comme un infaillible génie; un gourou qui abuse sexuellement de ses disciples comme un saint d’une chasteté irréprochable. Les gens croient être connectés à la personne, alors qu’en réalité ils sont connectés à l’histoire qu’on raconte à son sujet – or il existe souvent un gouffre entre les deux. » (Y.N. Harriri)
Et encore pour ce travail Staline n’avait-il pas accès aux réseaux dit sociaux, réseaux de machines, IA, mais ses successeurs si…
Un exemple. Je suis content quand mon appli PLANTENET (IA) m’aide à trouver l’identité d’une plante. Je fais une photo avec mon portable (machine) je l’envoie (machine, IA), et en quelques secondes j’ai un retour, la plupart du temps juste. Faut-il s’en plaindre. Je le fait c’est chouette et je suis addict. Mais le fait de faire quelque choses et d’être addict ne signifie pas que cela soit bien.
J’ai ainsi une collection d’image avec un nom, une identité, mais est-ce que mon niveau en botanique n’aurait pas été supérieur si j’avais simplement amené sur le terrain ma vielle flore Bonnet et Layens toute pourri. Je me serai alors usé les yeux à regarder la structure des feuilles, des fleurs, avec une loupe. J’aurais constaté que les crucifères ont des étamines en croix et de tailles inégales, que les malvaceae ont des pétales soudées à la base, etc. En clair j’aurai progressé un tant soit peu dans la connaissance de la biodiversité.
Je me serait trompé plusieurs fois dans la clé de détermination, empruntant des voies de garage où j’aurai découvert de nouveaux taxons, ce qui m’aurait été précieux pour une prochaine fois.
Cette clé est obsolète depuis sans doute bien longtemps, les noms et la phylogénie ont sans doute beaucoup évolués, mais cela ne concerne qu’une poignée de spécialiste, une clé obsolète fait mieux qu’une collection de photos en vrac dans mon portable.
L’accès IA m’a donné une info facile, superficielle qui me donne une grande satisfaction. Mais je ne progresse plus car la connaissance est un effort qui me fatigue alors qu’il est si facile d’acquérir un vernis.
J’ai entendu une fois le biologiste Jacques Testard à la radio dire en quelque mots une expérience profonde et courante. C’est son amour de la nature qui lui a fait choisir la biologie. Or il s’est retrouvé rapidement devant un dilemme : Il n’y avait tout simplement pas d’étude de haut niveau concernant la « nature », et encore moins de débouchés professionnels. C’est devant ce constat qu’il a fait comme tous les étudiants : il a choisi la voie mainstream, la seule qui valorisait le parcours universitaire, il a choisi des études de biologie moléculaire.
Ainsi de nombreux étudiants croient encore aujourd’hui, de même que la croyance naïve dans le darwinisme moléculaire a longtemps dominée la discipline, que l’étude de la nature voit son étape ultime, son niveau de connaissance le plus élevé, disons même le plus noble, au niveau de la connaissance de la biologie moléculaire, génomique, protéomique, bioinformatique, etc.
L’environnement scientifique est un vrai eldorado dans ces matières, en pleine mutation, avec bientôt de l’IA partout. La difficulté, la vitalité, la puissance scientifique, la valeur en terme de sciences dures, sont les lièvres qu’ont poursuivi les biologistes en quête de reconnaissance. Alors pourquoi commencer par le début, et passer du temps sur de vieux concepts d’espèces, sur des trucs ou il n’y a plus rien de nouveau à voir depuis des lustres.
S. Jay Gould a écrit un pensum de 1000 pages pour (essayer) de faire valoir la simple idée iconoclaste selon le dogme darwinien que la sélection naturelle ne s’exerçe que marginalement sur les individus, mais qu’elle s’exerçe surtout entre les espèces, et que les mécanismes évolutionnistes avaient lieu plutôt à ce niveau, et en premier lieu la barrière reproductive, l’isolation des espèces qui en découle. Il appelle ça l’émergence des propriété nouvelles au niveau de l’intégration biologique que représentent les niveaux d’organisations supérieurs, et donc en particulier les espèces, mais pas que.
Mais les jeunes continuent d’apprendre depuis 100 ans ou plus que la sélection génétique des plus aptes fait que les papillons nés à proximité des usines deviennent gris pour se confondre avec les troncs gris des arbres, papillons qui ne se posent jamais sur les troncs…
Il convient de rappeler que le principal modèle évolutif que Darwin avait en tête, c’était la sélection morphologique des bovins pratiquée par les éleveurs anglais.