zone
Les vieilles villes de province ont des lisières délabrées.
Andreï Platonov, Tchevengour
Esthétique suburbaine
A contre-jour Le filigrane des brins d’herbes laisse voir le drapeau d’un corps flotter sur la décharge, sa tête blanche et bleue ensemencée d’un voile bactérien dans le mutisme épars des magnétophones crevés, des fèces d’industrie, des gels douches, couilles de boucs déchargeant leurs muscs fétides benzométhylés, bidons crevés, poches, sacs vidés et remplis par l’orgasme, la vase rayée par les bras maigres des saules, les chiures de diesel maculant le tubercule nasal de la poule d’eau, le duvet du croupion. La bricole fractale lacère les capotes en lanières de temps, soleil jaune et bleu. L’auto à pédale joue sur les sommiers crevés. Les rats bassinent leur pellagre dans la piscine improvisée d’un caveau de réforme.
Banlieu
Les marrons sont tombés. Les enfants rentrent de l’école. Le garage en bois est peint en marron vif. Le monsieur en short et en lunettes noires ne rigole pas. Voici une pelouse bien tondue, grande comme un mouchoir. Une vasque coquette en ciment en décore le centre. A l’intérieur de la vasque un géranium lierre ne déborde pas. Une jeune fille est assise dans la petite cours bétonnée à côté de la pelouse. Elle écoute de la musique avec un baladeur. Au coin du garage, des caisses de consignes sont alignées, comme dans un débit. Les queues de marrons tapissent les allées comme de petits bras ridés. Un ouvrier passe, habillé chaudement d’une veste en rhovyl rouge et bleu. L’air est vif mais il fait un temps charmant, et nous pourrions voir Madame et Monsieur lentement dans leur cabriolet.
La liste du 31-07-90
Réunir dans la pochette les bulletins de salaire
Parler le plus bas possible à la sortie des autobus
Rire froidement quand il fait jaune
Ne pas se faire de souci pour la retraite anticipée
Extraire les mots empalés dans la bouche des stars
Logorrhée cannabinée
La position du lecteur condamne la prose, mesure le dérisoire, devine un risque de l’autre côté des mots, la bouche sépare les courbes. Somnolente insulte bégaiement, impensable l’idée d’une absence peut être réunie la pauvreté partage le réel, en un mot le réel chante ferveur proximité des contraires, retour au jeu d’enfance. Le sujet dérobé possède un visage.
Tradition perdue au seuil de l’oral le jeu entre en jeu la pensée aux prises avec la raison commente la réalité discute la peur sans peupler la colère entoure la marge sans passer la limite le pouvoir de projection explique la possibilité d’un sujet pictural, un personnage morcelé découvre autre chose autrement d’un autre coté la chose découpe la peinture s’empare du sens le plus large des mots chaque période inventant sa différence la signification représente la routine.
Toulouse
A couteau tiré
Avec le cœur de la ville
L’éther froid des oxydes
Rouille le ciel
Le cambouis
A des parfums de varech
Au bar Loin de la plage
Avenue nulle part
Aube sèche
Le jour rentre dans la nuit
Sur les tertres en béton
Les jardinières désertent
Bleu cobalt
Ton corps s’inscrit
Dans l’espace ouvert
Par les bras maigres du fou
Nicolas
Je revis Nicolas
Des années après
Se finissant à la bière
En solitaire
Traversée en solitaire
Sans retour
Squattant une caravane
Dans un bled perdu
Se finissant consciencieusement
A plus pouvoir arquer
Dire un mot
Les prunes bleues
Nue comme un os sous le ciel en charpie
S’effiloche mon âme décrépie
Au hameau mort
Prunes bleues tombent du vieil arbre tort
Au fond de mon cœur s’écrasent en pluie d’or
Jusqu’à l’oubli
Mes pas sont bien courts là ou bien ici
Assez peu et sans dieu enfin mercy
Bien tôt à Dieu

Quéquette blues
Putassières pinup de papier
Baisotées sur une palette
Un vieux grabat pour deux branlettes
Marylin de calendrier
Prostrés sur le zinc qui s’écaille
Les dingues fouettent du goulot
Jeudi matin quand les poivrots
Des pissotières se défouraillent
L’après-midi sur les terrasses
Dieu se défonce lentement
Demi à demi jusqu’aux dents
Le soir qui tombe le terrasse
Albi
Les moineaux piaillent
Le long de l’indicible fissure
Les platanes caryatides tronquées
Soulèvent de leurs moignons
L’immémoriale vacuité
Les urines juvéniles sèchent
Au préau de Jean Jaurès
D’âcres colombes exécutent
Un vol lourd de rapace
Au couchant rétinien du pont vieux
Dans la chambre adolescente
Le soir poudroie
Sur la vitre sale de l’aquarium
Reflet renversé d’amazonies rimbaldiennes
Depuis longtemps perdues